
C'est après une journée qui a défilé à une folle allure au point d'en faire peur, une poussée d'adrénaline à courir avec les valises dans toute la ville pour ne pas louper mon train que je me suis enfin posée. Dans mon wagon, coincée entre mes bagages et des anarchistes, bien sympathiques mais à l'hygiène douteuse ainsi que de leur 5 chiens qui avait l'air de sortir tout droit du salon de toilettage, j'ai attendu le signal de départ (lancé en retard, afin de changer le quotidien de la SNCF). Les 10 minutes à attendre le départ du train ne m'on jamais parues aussi longues, comme si durant la journée les heures étaient divisée à deux et que sur ce quais les minutes à l'inverse multipliées. Le pire ce n'était pas vraiment l'attente mais la vision de Solène, cette amie qui chaque jour devient de plus en plus proche, plantée là sur le quai le regard triste qui fuit le wagon. Et moi qui ne voulais pas lui tourner le dos mais qui avait également du mal à la regarder. C'est con, on savait toutes les deux qu'on se retrouverais forcément une semaine plus tard mais non, après avoir passé plus d'un mois à se voir chaque jour la séparation, même temporaire est toujours difficile.
Et c'est là dans ce wagon que j'ai commencé à faire le bilan, une fois de plus. Le bilan de ces derniers mois, de mon année entière, mais aussi des années précédentes. Le bilan est sans appels, à moins que mes souvenirs d'enfances soient si enfouis que je ne m'en souvienne plus, cette année fut la meilleure. Sur le plan culturel, comme sur le plan humain. Le plus difficile c'est forcément de partir quand on se rend compte qu'on se rapproche un peu plus de certaines personnes, quand on réalise que des personnes nous apprécient alors qu'on pensait l'inverse. Mais surtout c'est cette impression de ne pas avoir assez profité de ceux qui vont partir, dans une autre ville ou à l'autre bout du monde. C'est une sensation amère, acide qui reste ancrée dans un petit coin de la tête et qui réapparaît le plus souvent possible, histoire de bien rappeler à quel point retrouver sa famille pendant 3 mois va être terrible après une année passée en autonomie la plus totale. Mais voilà, malgré la boule dans la gorge et une envie de pleurer plutôt constante le retour est moins difficile qu'il ne m'avait parut quand j'était dans le train, avec ma musique badante le volume monté au maximum. Parce que j'ai repensé à tout les bons moments passés, aux personnes qui m'ont entouré et aussi étrange que cela puisse paraître lors de ma dernière soirée, même les personnes dont j'étais les moins proches, voire pas du tout, m'ont montré de l'intérêt. C'est dans ces moments que je me rends compte que tout le temps que j'ai passé à me monter la tête pour des choses futiles telles que le regard des autres a été perdu dans l'apprentissage de ces personnes. Mais malgré tout les coups de blues, les petites tensions c'est un bilan positif qui en découle.
Mais le plus amusant dans ce weekend reste sans doute ma première soirée loin de ma ville d'adoption temporaire. Une nouvelle fois j'ai eu l'impression d'avoir remonté le temps. Avant de quitter Poitiers j'ignorais totalement comment ma soirée-repas de famille allait se passer. Je l'aurais peut être appréhendée si on m'avait dit que j'y retrouverais tout mes anciens amis qui m'avaient quelque peu abandonnés lors de ma rupture. Oui je pense que c'est le mot, appréhender de revoir ces hommes avec qui je passais le plus clair de mon temps, ceux avec qui je pouvais me vider l'esprit chaque weekend quand le lycée devenait de plus en plus insoutenable, ceux avec qui j'ai parlé, ceux que j'ai apprécié à ma manière et de façon différente. Les revoir en compagnie de leur plantes vertes ambulantes qu'ils osent appeler "amies" ou "amour", oui c'est sans doute une pointe de jalousie qui parle ici, mais c'est surtout la déception de voir qu'ils ont préféré des pots de peintures-léopards à des filles qui ont supporté leur soirées foot-console (ah oui c'est bel et bien la jalousie qui parle). Puis, après m'être rendue compte que des personnes finalement m'appréciaient je me suis aperçue que j'avais manqué à d'autres qui m'avaient déjà apprécié par le passé. Parce que oui, malgré un téléphone désespérément muet ils prenaient de mes nouvelles indirectement et presque chaque weekend, parce que finalement certains m'ont avoué qu'ils me préfèrent réellement aux léopards qui les suivent tels des caniches et surtout parce que je me suis aperçu qu'ils m'avaient tous manqué durant tout ce temps. Les revoir m'a non seulement permis de passer une bonne soirée et d'oublier quelque temps le fait que mes compagnons de soirées étudiantes me manquaient mais aussi m'a fait revivre des bons souvenirs que j'avais caché sous mon amertume.
Ça fait déjà plus d'un mois que j'essaie de faire le bilan de ma vie. Et c'est seulement maintenant que je me rends compte que je ne peux le réaliser car autant mon expérience est trop maigre autant j'avance tellement chaque jours que chaque lendemain ce bilan est différent. Mais je vais tout faire pour n'oublier personne. Paul, Adrien, Clément, Ludo, Pierre. Mais aussi Mathias, Solène, Chris, Tony, Thibaud, Layla, Johann, Mélanie, Yohann, Georges, Gwenael, Léa, Elodie. Ceux qui étaient présent, ceux qui le sont.