Dans le fond je n'ai pas changé. C'est toujours le même schéma qui se répète une fois de retour dans cette ville natale que l'on cherche tant à fuir. La solitude revient ronger les os. Les doutes reviennent envahir le crâne. C'est ça, arriver à 19 ans et ne toujours pas réussir à s'intégrer dans une groupe, dans une société. Seul le cadre est différent. "Le monde du Travail", dans le fond c'est comme le lycée. Je suis et je reste la fille avec qui on parle, on discute, on raconte quelques petits ragots. Mais je ne suis pas celle que l'on invite, pas celle que l'on apprécie, pas celle avec qui on rigole vraiment. Parce que je ne sais pas faire. Si la vie en société était notée avec des examens aussi absurdes et arbitraires que le monde scolaire, je serais le cancre de la classe. Et puis il y a aussi le groupe d'amis. Ceux qui n'appellent pas. Ceux dont on suit la vie et les péripéties sur les réseaux sociaux, mais ceux qui ne partagent pas avec nous les rires et les sorties. Ceux que l'ont voit de temps en temps, quand une personne qui nous apprécie un peu nous invite en soirée.
Mais quand viennent les jours de repos; après des journées entières à travailler à subir l'exclusion mentale de la part de ses collègues et les réprimandes de personnes divers et variées qui pensent que le fait de porter un t-shirt Leclerc nous assimile forcément à des esclaves enchaînés; c'est un soulagement, non une libération qui s'installe dans tout le squelette de ma pauvre carcasse. Journées de repos est synonyme de départ. Le simple de départ de ma famille qui me bouffe autant que tout le reste pour la ville de mes études. Un simple départ pour un endroit à 1h de chez moi, pour une ville peu exceptionnelle mais qui trouve son charme dans les yeux d'une personne qui de toute façon est prisonnière de son propre esprit. Poitiers. C'est mon seul moment de répit dans cet été qui se déguise en automne et qui étouffe par sa monotonie et sa routine. C'est comme regarder des vidéos de chats sur youtube après avoir regardé un film gore.
Voilà ce que je ressens à l'approche de mes journées de répit. Un calme profond qui annonce une nouvelle liberté. Liberté que l'on va seulement toucher du bout des lèvres avant de retourner aux fers, et ça je le sais. C'est ce qui me fait d'autant plus apprécier chaque secondes, de chaque minutes, de chaque heures, de ces journées. Alors autant dire que savoir que durant ces cours instants je vais me ronger les ongles jusqu'aux os, tout simplement parce que je me sens coupable. Coupable d'égoïsme, de lâcheté, coupable de faire du mal (et de le vouloir au fond de moi) à une personne que j'ai profondément aimé. Voilà, je suis coupable de tout ça. Et ma punition est réelle. Durant ces seuls jours où ma tête m'accorde un peu de repos, entre toutes ces questions et ces dénigrements, je ne vais pas être libre. Je vais restée enchaînée à mes désirs, mes craintes, mes peurs. Certes je ne vais jamais rien montrer, je vais toujours sourire, faire semblant d'être heureuse. Mais je vais toujours avoir cette boule dans la gorge, ce noeud à l'estomac, cet bond dans la poitrine quand je vais le revoir. Parce que là, ce sont 6 mois qu'on me recrache au visage d'un seul coup. 6 mois de disputes, de pleurs mais aussi de rires, d'envies, de confessions, de respect. Ces 6 mois qui m'ont le plus fait avancer, ce sont eux qui m'ont, m'avaient, permit de ne plus être cette lycéenne torturée et écrasée par la solitude. Je dois tellement à ces 6 mois. Je leur doit trop. Et c'est en leur devant trop que j'ai été déçue. Et c'est par cette déception que m'est venue cette envie de faire du mal. Ce mal pour tout ce bien qui m'avait été fait. Pour tout le mal qui avait été là bien avant. Pour toutes ces déceptions, ces abandons, ces promesses en l'air. Et c'est sur une personne que tout le flot de ma haine se déverse. C'est à la fois conscient et inconscient. Je suis consciente du mal, mais je n'arrive pas à le maîtriser. Je n'arrive pas à faire la part des choses, je sais que je n'ai pas à ramper, pas à tout me reprocher. Et pourtant une petite voix me dis de calmer le jeux, que tout ce que je refusais arrive. C'est le retour de vague. Mes idées me sembles tellement instaurées, tellement justes; mais mes propos sonnent tellement faux.
Alors par fierté je ne dirais rien, parce que tout es déjà perdu. J'ai déjà trop rampé. Je n'oublie rien, je fais avec. Je n'ai pas changé, c'est tout mon univers qui est chamboulé. Tout n'est qu'illusion.